D'où je pars (2018)
Édito pour le Fanzine Hildegarde N°20, Soigner et Guérir, avril 2018

« Tout mon génie est dans mes narines. »
Nietzsche

Dieu est dans les poils de mes narines. Le monde entier se déploie lorsque j'inspire de l'air. La première rencontre que fait l'air en mon intérieur, ce sont les poils de mes narines.
Faire exister cette zone semble désormais primordial. Mon nez, mon palais, sont le royaume de Dieu.
Lorsque je concentre mon être ici, à cet endroit de mon visage, il apparaît que c'est là, le lieu de la création du monde, dans le frottement de l'air contre les poils de mes narines.
Quand je pars de mon nez, je sens que chemin faisant, l'air crée tout ce que je vois, pense, ressens et que tout dépend de ma manière de l'accueillir et de le faire entrer dans mon corps.
Si nous respirons si mal (il paraît que nous ne savons plus respirer), c'est 
peut-être parce que nous avons peur que l'air nous trahisse un jour.
Pourtant ça ne se peut pas. Il est là, partout, se tenant prêt à pénétrer de petits poumons humides et hurlants, aveuglés par la lumière du jour.
Les êtres meurent sur une inspiration. Lair nous ouvre les yeux.
Dieu, s'il est quelque part en moi, c'est forcément dans les poils de mes narines. Peux-tu les sentir danser lorsque tu inspires? Alors ne cherche plus.



Le Chant de la momie (2014)
Publié dans le Fanzine Hildegarde N°3, Ligne et Cercle, septembre 2016

Il est là l'être - encore - au-delà du rien 
la décomposition c'est l'engrais pour une nouvelle salve.
De la terre plein la bouche ? Rogne, enfant de prophète ! 
Tu croyais ton heure sauve, qu'ils t'embaumeraient pour huit siècles ? 
Tes dents sont trop saines et ton pain est rassis.
Assieds-toi. Ouvre bien grand la bouche qu'on voie les orbites du mort 
Et entends le chant qu'il susurre :

Abstiens-toi de jurer sur tous les chiens. 
N'évide pas les malheurs sur ta route.
Encense la nuit qu'il fera demain.
Jouis de lumière - satanée lumière.
Fouille ses os si tu l'aimes. 
Mange et mâche sept fois ta merde avant d'embrasser le ciel.
Invoque puis sacrifie la poussière.
Ne jure que par des incantations de pacotille et invente des proverbes stupides.
Qui brille sous la glace, ne fond pas.

Que ce soit entendu.





©Marine Aïello